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Sur Wikipedia, le conditionnel doit mourir

Martin Vidberg vient de publier, sur son excellent blog BD L’actu en patates, une planche sur l’usage du conditionnel dans les médias, intitulée Faut-il supprimer le conditionnel ? Oui, il faut. J’ignore s’il est possible de le supprimer dans la presse, mais on peut au moins essayer de le supprimer sur Wikipedia.

Le conditionnel, arme de désinformation massive

L’usage du conditionnel dans les médias est un sujet que j’aborde régulièrement. Avec le conditionnel, on peut dire ce qu’on veut, sans source, sans crainte. Si l’information est fausse ou inexacte, on peut toujours battre en retraite derrière le conditionnel. Avec le conditionnel, on peut créer du scandale, du croustillant qui fait vendre. On peut se démarquer des concurrents en fournissant du scoop le premier. Une raison de plus pour être très prudent avec les sources de presse pour sourcer des affirmations sur Wikipedia.

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Extrait de la planche « Faut-il supprimer le conditionnel ? » par Martin Vidberg, utilisation occasionnelle permise.

Le conditionnel sur Wikipedia

Mais si la presse doit faire vendre, Wikipedia, elle n’en a aucune obligation. Wikipedia doit reposer sur des faits et des affirmations sourcées. Une rapide recherche révèle, à l’heure où j’écris cet article, plus de 27 000 occurrences du verbe « serait » et 29 000 pour « aurait ». Il faut retrancher à ces nombres les faux positifs (essentiellement les citations), que j’estime cependant peu nombreux.

Je suis pour un remplacement systématique du conditionnel par l’indicatif dans les articles de Wikipedia. Si le fait est avéré d’après plusieurs sources fiables, alors il faut utiliser l’indicatif et indiquer les sources. Soit le fait est sujet à caution, et il faut faire exactement pareil : utiliser l’indicatif et indiquer les sources, en ajoutant un « selon Untel ».

D.R.

Mon amie Adrienne racontait, il y a quelques semaines, que les bibliothèques de Toulouse n’avaient apparemment pas le droit d’inscrire dans leur programme papier la liste des films projetés dans le cadre d’une rétrospective thématique [1]. Un peu dans le même genre, mais pas tout à fait, j’ai remarqué hier que la fnac Toulouse était « peu soigneuse » dans sa gestion du droit d’auteur sur ses prospectus, abusant allègrement de la mention « droits réservés ».

Droits réservés ou « D.R. »

Dans le domaine de la publication, Droits réservés (ou D.R.) est une mention apposée à la place du crédit de l’auteur d’une œuvre orpheline [2], c’est à dire une œuvre dont il est impossible ou difficile d’identifier l’auteur. Si l’auteur est identifié par la suite, l’utilisateur doit alors l’indemniser et lui rendre la paternité de l’œuvre.

L’utilisateur agit cependant à ses risques et périls : l’apposition de la mention D.R. ne le met pas à l’abri de poursuites de la part de l’auteur, dont les droits ont été bafoués : le code de la propriété intellectuelle (CPI) impose en effet, avant toute publication, d’obtenir l’accord écrit et signé de l’auteur, qui jouit de ses droits moraux et patrimoniaux sur son œuvre.

Une exception illégale qui devient la règle

Bien qu’illégale au regard du Code de la Propriété Intellectuelle, l’utilisation de la mention D.R. était tolérée par les auteurs tant qu’elle restait une exception. Le problème aujourd’hui est que l’exception est devenue la règle. Nombreux sont les éditeurs ou journalistes qui apposent des Droits réservés à tout-va, sans effectuer de recherche raisonnablement minutieuse sur leur auteur, souvent pour des images glanées sur Internet ; voir à ce sujet l’anecdocte de Maître Eolas, Eolas crucifié, en particulier les commentaires, qui apportent un éclairage intéressant (et parfois affligeant) sur cet usage dans le monde de la presse.

Je reviens à mon prospectus de la fnac. Ce prospectus mensuel, intitulé « l’agenda forums » présente les activités organisées par la fnac telles que conférences, séances de dédicaces, mini-concerts, etc. Ce genre de rencontres m’intéresse tout particulièrement, car il permet de photographier des personnalités qui n’ont pas encore leur photo sur Wikipedia.

Alors que je patientais en attendant l’arrivée de Marie de Hennezel pour sa mini-conférence, j’ai remarqué sur ledit prospectus la petite mention D.R. apposée, en petits caractères, le long de son portrait. Une rapide vérification et ce sont 14 mentions D.R. que j’ai comptées, pour un total de 16 illustrations. Deux photographies seulement étaient attribuées à leur auteur [3].

L’abus de la mention Droits réservés

L’abus de l’utilisation de la mention Droits réservés est régulièrement critiqué par les photographes professionnels. L’Union des photographes créateurs (UPC) a notamment fait de la mention D.R. un thème majeur de son congrès des 30 et 31 janvier derniers à Paris. À cette occasion, 101 photographes ont monté une exposition sur ce thème et un livre a été édité [4]. Voir également :

La morale de l’histoire

Dans tous les cas, je remercie la fnac d’organiser ce genre de rencontres. J’ai ainsi pu photographier, la semaine dernière, Marie de Hennezel et Albert Jacquard, et ainsi illustrer leurs biographies respectives dans Wikipedia. J’invite d’ailleurs les éditeurs des prochains prospectus à utiliser ces photos, qui sont placées sous licence libre Creative Commons, donc librement réutilisables [5]. Cela évitera de recourir une fois de plus à la mention D.R.

Guide pratique de Wikipédia

Depuis aujourd’hui, le livre Wikipédia : Découvrir, utiliser, contribuer, que j’ai co-écrit avec Florence Devouard, est disponible en librairie.

Le livre

L’ouvrage est un guide pratique de Wikipédia, l’encyclopédie collaborative gratuite et librement réutilisable. Il s’articule autour de trois parties. La première est une présentation générale du projet, son historique, son contexte et ses principes de base. La deuxième partie développe l’approche du lecteur et utilisateur de l’encyclopédie, en insistant notamment sur les spécificités du projet par rapport aux autres sources documentaires du même type. La troisième partie incite ensuite le lecteur à devenir acteur et à participer à la rédaction de l’encyclopédie ; le fonctionnement interne est détaillé, afin de faciliter l’intégration des nouveaux utilisateurs dans la communauté.

Tout au long de ce guide, des fiches pratiques permettent de mettre directement en application les explications données, tout en habituant le lecteur à l’interface et à l’environnement de Wikipédia. Le contenu est volontairement centré sur l’essentiel, afin de ne pas perdre le lecteur. L’ouvrage guide progressivement le lecteur vers une implication active dans le projet, quel que soit son âge, son niveau ou ses domaines de compétences.

Pourquoi le livre est Bien™

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Le livre inclut des fiches pratiques qui guident le lecteur pendant ses premiers pas, tels que la création de compte sur Wikipédia, la modification d’un article, ou l’ajout d’une image.

Cet ouvrage est le premier guide de Wikipédia en français réalisé par des participants actifs impliqués dans la communauté. C’est également le premier ouvrage de ce type publié sous licence libre, restant ainsi cohérent avec le fonctionnement et les valeurs du projet encyclopédique qu’il présente ; le contenu est librement accessible, réutilisable et améliorable sur Wikibooks. Il prend en compte les dernières évolutions techniques de l’interface et accompagne le lecteur dans une démarche naturelle et progressive.

Cet ouvrage est tout public à partir du collège. Il a été conçu de façon didactique, simple, afin de s’adresser à la fois au public jeune, rompu aux nouvelles technologies, et au public plus âgé, éventuellement sénior, avec une connaissance de base en informatique et Internet.

Wikipedia et les autres projets Wikimedia : où contribuer ?

Ou comment tenter d’en finir, petit à petit, avec le monopole de Wikipedia sur la connaissance libre, en aidant tous les projets Wikimedia à dépasser la masse critique et en leur accordant une meilleure visibilité.

Un article encyclopédique est une synthèse

Lors du récent appel à commentaire sur Wikipedia quant à la création de nouveaux espaces de noms, j’ai lu notamment qu’un des objectifs était le « délestage d’une annexe de l’article pour cause de taille et de lisibilité ». J’ai effectivement l’impression que la plupart des contributeurs veulent à tout prix développer des articles au-delà du nécessaire.

Pour être utile, un article encyclopédique doit être synthétique (je sais, synthétiser, ça veut dire réfléchir longtemps et enlever ce qui n’est pas nécessaire, donc c’est difficile). « La perfection est atteinte non quand il ne reste rien à ajouter, mais quand il ne reste rien à enlever », disait St Exupéry ; je pense que de nombreux Wikipédiens oublient ou ne veulent pas entendre ça.

Des articles comme Paris, avec tous leurs satellites, pourraient donner lieu à des formidables développements sur Wikibooks. Wikibooks est le projet adéquat pour développer un thème de façon plus approfondie qu’un article encyclopédique ne le permet. Un livre sur Wikibooks peut proposer une bibliographie complète sur un thème, alors que l’hébergement de cette bibliographie sur Wikipedia n’entre pas dans les objectifs du projet.

Wikipedia est une encyclopédie et, en tant que telle, ne devrait pas héberger des bibliographies qui sont des recueils de documents, éventuellement annotés. Je suis entièrement conscient que ce type de contenu est utile ; je voudrais simplement que les Wikipédiens comprennent qu’elle a davantage sa place sur des projets dédiés.

« Exil du contenu »

J’ai l’impression (plusieurs fois vérifiée) que les Wikipédiens considèrent, de façon assez hautaine, que les « autres projets » ne sont pas assez « nobles » ; ils n’apparaissent pas dans les premiers résultats de Google, on n’en parle pas dans les média, donc les gens ne veulent pas y contribuer. Certains pensent d’ailleurs que déplacer du contenu sur un autre projet Wikimedia revient à « exiler le contenu » vers un projet-« poubelle ».

Cette vision manque clairement de respect envers lesdits projets et provient notamment d’une mise de Wikipedia sur un piédestal : si on ne voulait pas à tout prix autant faire de Wikipedia le centre de la connaissance libre, on se rendrait compte que certains projets moins connus sont plus adaptés au développement détaillé de thèmes et à l’hébergement de contenus tels qu’une liste bibliographique.

Tout est donc question de type de contenu et de niveau de détail. Un article encyclopédique devrait conserver une taille raisonnable et suffisante pour y loger des notes, des références, et une bibliographie limitée. À partir du moment où on a envie de déplacer du contenu « annexe » (par exemple une bibliographie) pour « soulager » l’article, cela signifie que la bibliographie n’est pas suffisamment synthétique pour un article encyclopédique, mais qu’elle aurait probablement sa place dans un livre sur le sujet.

Améliorer la visibilité des autres projets Wikimedia

J’ai présenté à Wikimania 2007 plusieurs travaux et propositions, notamment concernant l’apparence de l’interface de Wikipedia [1]. L’un des objectifs était justement , par un système d’onglets permettant de naviguer entre les différentes pages des projets Wikimedia sur un même thème. Ces innovations n’ont cependant pas été prises en compte (pour l’instant) par les développeurs de MediaWiki.